Electronique : dépannage des alimentations à découpage

15 février 2021 rdorigny 0 commentaires

Cet article a été proposé par Xavier « Bud Tucker » pour le groupe Facebook Cyrob en nov. 2018. Avec son accord, je vous en propose une version web. Vu la qualité du document, il m'a semblé utile de vous le partager.

Il s'agit d'une introduction au dépannage des alimentations à découpage. Il décrit les différentes pannes que l'on rencontre sur ces alimentations très populaires, apporte son retour d'expérience dans ce domaine parfois délicat pour les électroniciens en herbe.



1) Un mot d’introduction

Dans le monde des alimentations on peut distinguer deux grandes familles, la première étant constituée par les alimentations « linéaires », qui utilisent des composants classiques (transformateurs abaisseurs, alimentations par pont diviseur, alimentations par régulateurs linéaires). Ces équipements ne seront pas évoqués ici.

La seconde famille concerne les alimentations « à découpage », qui consistent dans le principe à « hacher » une tension continue pour l’injecter dans un dispositif de stockage d’énergie (bobine ou transformateur, voire condensateur) afin de diminuer ou d’augmenter la tension. Il existe un certain nombre de topologies d’alimentations à découpage, aussi appelés « convertisseurs » : les buck, les boost, les flyback, les convertisseurs à pompe de charge…

Dans les équipements électroniques grand public (TV LCD/plasma, écrans plats, CD/DVD, ordinateurs, consoles de jeu, chargeurs de téléphones ou PC portables, certains électroménagers, etc.), à l’exception notable de certains équipements hi-fi (amplis…), les alimentations de topologie flyback sont très majoritairement utilisées. C’est de type de cartes qui sera abordé ici.

Ce petit mémo n’est qu’une modeste tentative d’aiguillage de réparateurs débutants confrontés à ces appareils. Il ne s’agit pas ici d’expliquer le détail du fonctionnement, ni d’expliquer comment utiliser un multimètre, ni encore d’expliquer comment tester les différents composants : il s’agit surtout de donner des idées pour savoir où chercher et quoi contrôler.

Autrement dit, à part quelques pannes simples, le noble art :-) du dépannage des alimentations secteur n’est pas conseillé au grand débutant, tout particulièrement pour des raisons de sécurité – à ce propos il est extrêmement important de décharger le condensateur 400 V avant toute manipulation sur une carte de ce type. Ces condensateurs peuvent rester chargés à des tensions mortelles jusqu’à plusieurs heures après débranchement du secteur.

2) Principes de fonctionnement de l’alimentation flyback

Ne réinventons pas la roue : le principe de fonctionnement est très bien expliqué sur :
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Convertisseur_Flyback
  • http://ivan.francois92.free.fr/FLYBACK.pdf

  • 3) Quelle approche pour dĂ©panner ?

    Il faut tout d’abord s’assurer que c’est bien l’alimentation qui est en panne, en vérifiant la présence de la (des) tension(s) en sortie. Sur les alimentations à fonction de veille incorporée (standby), il peut être nécessaire de forcer le démarrage de l’alimentation : en général, il faut relier la broche PS_ON soit sur GND, soit sur le +STBY (à voir documentation de la carte) par l’intermédiaire d’une résistance de limitation de courant (100 ohms).

    Une absence (ou une valeur anormale) de la tension de veille ou de toute autre tension de sortie dénotera une panne de l’alimentation.


    Sur ce modèle, l’emplacement de la broche PS_ON est sérigraphié sur le PCB


    En préalable, il faut procéder à une inspection visuelle. Rechercher des composants brûlés, percés, abimés ; rechercher des soudures oxydées, cassées, ou mal faites à l’usine ; la présence de corps étrangers sur la carte (traces de fumée, insectes, résidus métalliques de soudure…). Cette première approche peut vous permettre de savoir dans quel bloc fonctionnel chercher la panne, voire de l’identifier aussitôt de manière évidente.

    Le premier test à réaliser permettra de déterminer si la panne est du côté primaire : mesurer la tension aux bornes du condensateur 400V : la tension normale correspond à la tension crête du secteur après redressement (environ 310 - 340V DC). En l’absence de tension, il suffira de contrôler les différents composants présents en amont (fusible, bobines de filtrage mode commun, prise et câble d’alimentation, interrupteur de sécurité…) puis de rechercher la cause originelle de la panne : court-circuit du transistor de découpage et/ou du pont de diodes sont les causes les plus fréquentes.

    4) Les pannes les plus fréquentes

    4.1) Court-circuit du transistor de découpage

    Parfois, le transistor de découpage (la plupart du temps un transistor à effet de champ (FET), mais ce peut être aussi un transistor bipolaire NPN, type BUL39 ou MJE13005 par exemple) se met en court-circuit pour des causes diverses (surtension, composant sous-dimensionné, …). Il en résulte un pic de courant dans tous les composants sur la ligne en court-circuit, côté primaire, qui doivent ainsi tous être testés :
  • le fusible ;
  • la thermistance NTC ;
  • la double self de mode commun (filtre antiparasite) ;
  • les diodes de redressement ou pont de diodes ;
  • le transistor de dĂ©coupage ;
  • l’enroulement primaire du transformateur de dĂ©coupage (celui en sĂ©rie avec le transistor de dĂ©coupage) ;
  • les autres rĂ©sistances et petits semi-conducteurs Ă  proximitĂ© (rĂ©sistances, diodes et diodes Zener, petits transistors…), y compris sur la face des composants montĂ©s en surface (CMS).

  • Si l’alimentation ne redĂ©marre pas après remplacement des composants HS et malgrĂ© la prĂ©sence des 320-340V sur le condensateur primaire, il faudra Ă©galement suspecter une panne du contrĂ´leur de dĂ©coupage (voir § ci-après).

    Les points à vérifier : il ne faut surtout pas utiliser un transistor en boitier non-isolé en remplacement d’un boitier isolé, s’il est monté sur radiateur. Sinon, court-circuit garanti !


    Echec de réparation : installation d’un transistor en boitier TO-220 non-isolé au lieu d’un transistor isolé : un court-circuit s’est produit dans le dissipateur du transistor de cette alimentation de PC portable basée sur le LD7575.



    Exemple de dégâts potentiels causés par un court-circuit du transistor de découpage (Q1) : tous les composants en rouge sont à contrôler.

    4.2) Panne du contrôleur de découpage

    Parfois, le contrôleur de découpage cesse de fonctionner, et surtout après avoir été exposé à un court-circuit du transistor de découpage. Il en existe de (très) nombreux modèles. Si l’alimentation ne redémarre pas après un court-circuit côté primaire et après avoir contrôlé/remplacé tous les composants (voir § précédent), il faudra certainement remplacer le contrôleur également.


    Un petit échantillon de contrôleurs d’alimentation à découpage.

    4.3) Les diodes de redressement au secondaire

    Une autre panne commune est la mise en court-circuit d’une diode rapide au secondaire. Il s’agit de diodes Schottky la plupart du temps. Elles sont parfois disposées en parallèle, pour passer des courants plus élevés. Cette panne classique est habituellement résolue par le simple remplacement de la diode en court-circuit.

    Les points à vérifier :
  • ne pas se contenter de remplacer 1 seule diode dans le cas de diodes en parallèle. Il vaut mieux toutes les remplacer par des diodes du mĂŞme lot de fabrication (caractĂ©ristiques les plus proches possibles) afin de rĂ©partir au mieux le courant entre elles et amĂ©liorer la fiabilitĂ© au long terme ;
  • il faut remplacer la diode par une diode du mĂŞme type et avec les mĂŞmes caractĂ©ristiques. Par exemple, ne pas mettre une SB5100 en remplacement d’une SB560 : la 5100 aura certes une meilleure tenue en tension mais aura une tension de seuil plus Ă©levĂ©e, d’oĂą davantage d’échauffement.



  • Un exemple de diodes Schottky sur une alimentation de TV. A noter des emplacements libres sur le PCB, prĂ©vus pour rajouter des diodes en parallèle : pour plus de fiabilitĂ©, rien ne vous empĂŞche d’en ajouter Ă  cet endroit. MontĂ©es en parallèle, mieux vaut mettre des diodes issues du mĂŞme lot de fabrication.

    4.4) Le circuit d’alimentation de service primaire

    Le contrôleur de découpage est alimenté par un bobinage dédié du transformateur de découpage. Pour le démarrage, le contrôleur nécessite une petite alimentation de quelques volts (dite alimentation de service primaire), directement à partir du secteur. Sur les contrôleurs les plus récents, cette fonction est directement intégrée dans le circuit. Si la tension d’alimentation du circuit intégré n’est pas correcte (en général de l’ordre de 10 à 25V, voir datasheet du CI de découpage), il faut contrôler la résistance chutrice, la diode Zener et son condensateur de filtrage.

    Les points à vérifier : pas vraiment de difficulté ici, mais comme il s’agit de mesures sous tension, il faut prendre les précautions d’usage.


    La diode Zener et son condensateur associé, à vérifier si l’alimentation ne démarre pas (schéma d’application de l’ICE3BR1765J).



    Le contrôleur de découpage avec ses diodes Zener et condensateurs de filtrage pour sa propre alimentation. À noter que les diodes Zener peuvent aussi se trouver côté CMS.

    4.5) Les condensateurs chimiques du secondaire

    Les condensateurs du secondaire filtrent le courant, derrière la diode de redressement au secondaire du transformateur. Ils voient passer des courants importants, ils chauffent, et s’usent. Ils sont souvent associés à des bobines pour former un filtre passe-bas en Pi (Chebychev de 2ème ordre), pour mieux éliminer les hautes fréquences issues du transformateur de découpage.

    Tout spécialement pour les appareils du début des années 2000, ces composants étaient particulièrement vulnérables et conduisaient à des pannes à répétition. Il faut partir du principe suivant : tout condensateur gonflé est à remplacer ; mais seule la double mesure de la capacité et de la résistance série équivalente (ESR en anglais) permettront de considérer un condensateur, même non gonflé, comme bon pour le service.


    Exemple de condensateurs gonflés au secondaire de l’alimentation : ceux-ci doivent être remplacés. A noter les deux bobines de filtrage à proximité (filtre en Pi).


    Les points à vérifier :
  • vĂ©rifier la polaritĂ© au remontage ;
  • ne pas dessouder tous les condensateurs avant de les changer, sinon on ne sait plus lequel va oĂą. Prendre une photo avant de dessouder peut vous sauver la mise ;
  • vĂ©rifier que la polaritĂ© des composants est marquĂ©e sur le PCB, avant dessoudage. Sinon, marquer le PCB au feutre pour ne pas oublier le bon sens au remontage !
  • ne pas partir tĂŞte baissĂ©e dans « le changement des capas » sans avoir analysĂ© un minimum la cause de la panne.


  • Un rĂ©sidu de ce type n’est pas un condensateur qui a coulĂ© : c’est moche, mais ce n’est que de la colle…

    5) Les pannes moins fréquentes

    5.1) Les optocoupleurs

    Panne relativement peu fréquente, mais assez difficile, compte tenu de la difficulté à tester simplement un optocoupleur. À noter la super technique Cyrob d’injecter une tension à la sortie de l’alimentation pour vérifier le bon fonctionnement du système de rétroaction : https://www.youtube.com/watch?v=G1zNV5nCm4I

    5.2) Les condensateurs Ă  haute tension (1 kV et plus)

    Un condensateur HT : un condensateur de découplage entre le secteur et le secondaire, ou entre le secteur et la terre, peut se mettre en court-circuit. C’est relativement peu fréquent, mais facile à remarquer : le composant est brulé ou éclaté.


    Exemple de condensateur haute tension brulé sur cette alimentation de mini-chaîne Samsung MM-D330, qui a entrainé un court-circuit : pont de diodes, résistor shunt, fusible et contrôleur de découpage ont dû être remplacés.

    5.3) Les varistances ou MOV

    Les varistances ne sont pas vraiment des sources de panne, mais ce sont des composants de protection qui ont pour but de se mettre en court-circuit en cas de surtension, afin de faire sauter le fusible disposé en amont. Le remplacement de la varistance et du fusible peut suffire à dépanner. En cas d’échec, contrôler tout l’étage primaire…


    Cette MOV (metal oxyde varistor) a brulé à la suite d’une surtension. Le fusible en amont aura très certainement claqué.

    5.4) Le fusible

    Comme les autres composants, parfois un fusible se coupe sans raison spéciale. Si par contre le fusible a éclaté ou présente un fil vaporisé, c’est le signe d’un court-circuit majeur en aval (en ce cas, regarder en priorité le cas d’un court-circuit du transistor de découpage et/ou des diodes de redressement au primaire).


    À gauche, un fusible OK. Au milieu, un fusible seulement coupé. A droite, un fusible qui a vu un court-circuit sévère : contrôler tout l’étage primaire.


    Les points à vérifier : il ne faut pas seulement remettre un fusible et rebrancher directement l’appareil sur secteur : il y a 9 chances sur 10 pour que le fusible saute à nouveau. Il faut chercher et résoudre l’origine du court-circuit auparavant. Pour plus de sécurité, une lampe 230V à incandescence (de 50W ou plus) branchée à la place du fusible (ou ailleurs en série sur l’alimentation secteur de la carte) limitera le courant (et les dégâts) : si la lampe s’allume franchement, c’est que le court-cirtuit est toujours là…

    5.5) Le transformateur haute fréquence

    En cas de court-circuit ou de surtension du secteur, un ou plusieurs enroulements d’un transformateur peuvent se couper et ce n’est pas souvent réparable : rebobiner un transformateur est un exercice particulier ; et les pièces de rechange sont souvent introuvables…


    Réparation de fils coupés à la sortie du primaire d’un transformateur de découpage, fondus par la foudre.

    5.6) Un condensateur de filtrage côté primaire

    Compte-tenu de son emplacement très en amont du circuit, un court-circuit d’un condensateur de filtrage d’interférences n’entraîne en général pas de dégâts autres que le fusible.


    Défaut (court-circuit) d’un condensateur X2 (branché entre phase et neutre) à l’étage primaire de l’alimentation : noter la rupture du fusible. La marque Rifa sur des appareils un peu anciens (<1990) est souvent incriminée.

    5) J’ai tout suivi et ça ne marche toujours pas :-(

    Parfois, Flybackus, le dieu des alimentations à découpage, n’est pas avec le réparateur ! En dernier recours, il existe la technique « bourrin » qui consiste à débrancher son cerveau et tester un par un chaque composant, en commençant par ceux du bloc fonctionnel à l’origine de la panne (primaire ou secondaire), et y compris du côté des CMS.
  • pour les semi-conducteurs (diodes et transistors), il est judicieux de d’abord faire une mesure en circuit, et de dessouder seulement en cas de doute (par exemple : en cas de court-circuit apparent). Sinon, bon courage si vous avez 50 CMS Ă  contrĂ´ler…
  • pour les rĂ©sistances, une première mesure en circuit est Ă©galement pertinente. Si la mesure en ohms est supĂ©rieure Ă  la valeur affichĂ©e du rĂ©sistor, vous savez dĂ©jĂ  qu’il sera HS sans mĂŞme le dessouder. De mĂŞme, si la mesure en circuit correspond Ă  la valeur nominale, il est certainement OK, pas la peine de chercher plus loin.
  • pour les condensateurs chimiques, une mesure de tension aux bornes donnera une indication avant de dessouder pour contrĂ´le plus approfondi (mesure de capacitĂ© et de rĂ©sistance sĂ©rie Ă©quivalente).
  • Conclusion

    Voilà pour ce guide du dépanneur fou des alimentations à découpage. Suivez toutes les suggestions de pannes et astuces, et avec un peu de logique vous devriez réparer vos alimentations!

    Attention aux tensions du primaire si vous avez besoin de tester la carte alimentée (ce qui est si possible à éviter).

    La documentation est téléchargeable ici.







    Pseudonyme (obligatoire) :
    Adresse mail (obligatoire) :
    Site web :




    © 2024 www.doritique.fr par Robert DORIGNY